Neutralité du net : la Cour estime que la FCC est habilitée à procéder à son abrogation

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Mi-décembre 2017, la Federal Communications Commission (FCC) a voté afin de mettre un terme à une série de règles encadrant la « neutralité du Net », ouvrant ainsi la voie à la mise en place de nouvelles politiques destinées à la régulation d’Internet. En dépit des protestations (des experts techniques, du Congrès, du peuple américain…) et des actes de soutien pour le maintien de la loi sur la neutralité du réseau, la FCC a donc donné son feu vert pour que puisse être supprimée la réglementation de 2015 encadrant la neutralité du réseau et les protections qu’elle avait contribué à mettre en place.

Dans sa formulation la plus élémentaire, la loi sur la neutralité du réseau adoptée sous l’ère Obama empêchait les entreprises de câblodistribution et de télécommunication d’appliquer des politiques à caractère discriminatoire ou anticoncurrentiel qui auraient pu porter atteinte à l’intérêt supérieur des consommateurs. Elle assurait notamment aux consommateurs un accès libre au contenu Web et empêchait les fournisseurs de services à haut débit de privilégier leur propre contenu. Ces pratiques sont maintenant autorisées tant qu’elles sont divulguées.

Mozilla et d’autres entités manifestent leur désaccord

Cette décision a été l’élément déclencheur de plusieurs recours en justice, mais également plusieurs autres mesures afin d’en limiter la portée. Parmi elles, nous pouvons citer certains États américains qui ont tenté de faire passer des lois pour restaurer les principes que la FCC tentent d’abolir.

Mozilla est entrée dans la mêlée en annonçant en août 2018 avoir déposé une plainte visant les nouvelles règles instaurées par la FCC en matière de régulation du réseau. Mozilla considère que l’autorité américaine des télécommunications ne s’est pas montrée à la hauteur de sa mission, qui consiste également à protéger les citoyens américains des fournisseurs d’accès.

Dans un billet de blog, Mozilla s’explique :

« Nous sommes fiers de figurer parmi les chefs de file dans la lutte pour la neutralité de l’Internet, à la fois par notre défi juridique dans Mozilla c. FCC et aussi par notre travail approfondi dans l’éducation et le plaidoyer pour un Internet ouvert, égal et accessible. Les utilisateurs doivent savoir que leur accès à Internet n’est pas bloqué, limité ou discriminé. Cela signifie que la FCC doit accepter la responsabilité statutaire dans la protection de ces droits d’utilisateur - une responsabilité que chaque FCC précédente a supportée jusqu’à présent. C’est pourquoi nous intentons une action en justice pour les empêcher d’abdiquer leur rôle de réglementation dans la protection des qualités qui ont fait d’Internet la plateforme de communication la plus importante de l’histoire.

« Cette affaire concerne vos droits d’accès au contenu et aux services en ligne sans que votre FAI bloque, limite ou discrimine vos services préférés. Malheureusement, la FCC en a fait une question politique et a suivi les lignes de parti plutôt que de protéger votre droit à un Internet ouvert aux États-Unis. Notre mémoire souligne comment cette décision est tout simplement erronée:
L’ordre de la FCC caractérise fondamentalement le fonctionnement de l’accès à Internet. Qu’elle soit basée sur des contorsions sémantiques ou simplement sur un manque de compréhension inhérent, la FCC affirme que les FAI n’ont tout simplement pas besoin de fournir des sites Web que vous demandez sans interférence.
La FCC renonce complètement à son pouvoir d’application et essaie de déléguer cette autorité à d’autres agences, mais seul le Congrès peut accorder cette autorité, la FCC ne peut pas décider que ce n’est pas son rôle de réglementer les services de télécommunications et de promouvoir la concurrence.
La FCC a ignoré l’obligation d’engager un processus de « prise de décision raisonnée », ignorant une grande partie du dossier public ainsi que leurs propres données montrant que les consommateurs manquent de choix concurrentiels pour l’accès à Internet, ce qui donne aux FAI les moyens de nuire à l’accès au contenu et aux services en ligne.

« Mozilla défend l’accès des utilisateurs à Internet sans interférence de la part des gardiens depuis près de dix ans, tant aux États-Unis qu’à l’échelle mondiale. La neutralité d’Internet est une caractéristique essentielle d’Internet telle que nous la connaissons et est cruciale pour l’économie et la vie quotidienne. Il est impératif que tout le trafic Internet soit traité de la même façon, sans discrimination contre le contenu ou le type de trafic - c’est-à-dire comment l’Internet a été construit et ce qui en a fait l’une des plus grandes inventions de tous les temps ».

La Cour déclare que la FCC ne peut pas bloquer les lois établies par les États des USA sur la neutralité du réseau

En 2018, Mozilla et plusieurs de ses partenaires ont intenté une action en justice contre la FCC, contestant la réglementation du président Ajit Pai « Restoring Internet Freedom Order » qui bloquait les lois locales ou au niveau des États qui « imposent des exigences plus strictes pour tout aspect du service large bande que nous abordons dans ce décret ». La FCC a fait valoir que cela empêchait en quelque sorte un « patchwork » de réglementations incohérentes. La cour a montré une prédisposition marquée à tenir compte des conséquences économiques des règles antérieures, du paysage concurrentiel des fournisseurs de haut débit et des solutions de rechange proposées pour la protection des consommateurs.

La cour d’appel du District de Columbia a déclaré que la Federal Communications Commission a le pouvoir légal d’abroger la neutralité de l’Internet, un coup dur pour les activistes qui se sont battus pour préserver le statut d’Internet. Néanmoins, ils ont obtenu une victoire majeure : la FCC ne peut pas empêcher de manière préventive les États d’adopter leurs propres règles plus strictes.

Toutefois, la FCC peut toujours s’opposer aux lois des différents États, mais elle ne peut pas déclarer que toutes les lois plus strictes violent automatiquement ses décrets. « Si la Commission peut expliquer en quoi une pratique étatique porte atteinte au décret de 2018, elle peut alors invoquer la préemption des conflits », explique la décision. « S’il ne peut pas montrer cela, alors vraisemblablement les deux règlements peuvent coexister ».

C’est une bonne nouvelle pour les 34 États qui ont déjà introduit ou adopté des règles de neutralité du Net. Le plus important d’entre eux est la Californie, qui a adopté ce que l’Electronic Frontier Foundation avait qualifié de « projet de loi d’excellence » l’année dernière. La règle californienne interdit non seulement le blocage et la limitation, mais empêche également les fournisseurs de services Internet de faire du zero-rating (lorsqu’un fournisseur de services Internet applique un prix nul au trafic de données associé à une application ou une classe d’applications donnée) sur des applications spécifiques telles que Netflix, ce qui leur donne un avantage en les exonérant des limites de données. Mais le ministère de la Justice l’a poursuivi en justice pour mettre fin à son application, et les règles sont en suspens depuis l’année dernière dans l’attente d’une résolution de leur statut juridique.

Le président de la FCC, Ajit Pai, a célébré la décision sur Twitter. Il estime que cette décision est « une grande victoire pour les consommateurs ». « Le tribunal a confirmé la décision de la FCC d’abroger la réglementation Internet des années 1930 dans le style des services publics ». Dans une déclaration officielle, il a également déclaré qu’il « attendait avec impatience de traiter les problèmes étroits identifiés par le tribunal ».

Mozilla a également publié une déclaration répondant à la décision. « Notre lutte pour préserver la neutralité de l’Internet en tant que droit numérique fondamental est loin d’être terminée. Nous sommes encouragés à voir les États libres du droit d’adopter des règles de neutralité de l’internet qui protègent les consommateurs ». L’organisation a ajouté qu’elle réfléchit à ce qu’elle va faire par la suite dans la résolution de son litige autour du décret de 2018 de la FCC.