De nombreux éditeurs me posent de façon récurrente la question suivante « Quels sont les indicateurs pertinents pour témoigner des impacts environnementaux d’un logiciel ? ». Ne pouvant répondre à toutes les demandes individuelles, voici quelques éléments de réponse.
Un logiciel n’existe pas
Tout d’abord, il faut bien comprendre qu’un logiciel n’a pas d’impacts environnementaux, car il n’existe pas ! C’est assez perturbant quand son activité quotidienne consiste à produire des logiciels. Cependant, bien qu’on l’ait conçu et fabriqué et que des personnes l’utilisent, un logiciel n’existe pas dans le monde physique.
En revanche, les matériels qui le stockent, l’exécutent, l’affichent, le manipulent, etc. ont un impact environnemental dans le monde réel. Cet impact est essentiellement lié à la fabrication des équipements et à leur consommation électrique.
Pour témoigner des impacts environnementaux d’un logiciel, il faut donc élargir son horizon et prendre en considération tous les équipements qui le … matérialisent.
Logiciel ou service numérique ?
L’ensemble des matériels, logiciels, et autres services numériques qui permettent de réaliser un acte numérique – trouver l’horaire d’un train, prendre rendez-vous chez le médecin, etc. – forment ce qu’on appelle un service numérique.
Dans une logique systémique et de service rendu, quantifier les impacts d’un logiciel revient systématiquement à quantifier les impacts environnementaux du service numérique dans son ensemble.
Pour quantifier les impacts d’un logiciel il faut donc quantifier les impacts environnementaux du service numérique dans son ensemble.
Plusieurs standards (ISO 14044/40/62) préconisent, entre autre, de quantifier les impacts du système étudié de bout en bout, en cycle de vie complet, avec plusieurs indicateurs environnementaux (pour éviter les transferts de pollution), selon un axe métier (unité fonctionnelle).
Par exemple, pour un site web permettant de trouver l’horaire d’un train, on doit idéalement étudier l’acte métier « trouver l’horaire d’un train » plutôt que « le site web trainline.fr ». De « bout en bout » signifie qu’on étudie autant l’impact de l’ordinateur et de la box DSL de l’internaute que celui des serveurs de trainline.fr.
Comment quantifier les impacts ?
Il existe de nombreuses approches pour quantifier des impacts environnementaux. La plus connue est l’Analyse du Cycle de Vie (ACV). Simple à mettre en œuvre pour les experts, mais complexe pour les non initiés, elle ne permet pas au plus grand nombre de quantifier facilement les impacts d’un service numérique.
C’est pourquoi la communauté – GreenIT.fr et le Collectif conception numérique responsable – proposent des outils simplifiés tels que :
l’EcoIndex
et le SLI
EcoIndex
L’EcoIndex est un indicateur composé qui, pour une URL (page web, API, etc…), évalue sa performance environnementale. Comme tous les outils automatiques, le résultat est un ordre de grandeur, assez grossier, mais qui permet déjà de faire un premier diagnostic.
L’EcoIndex a été mis au point en 2015. Il est calculé en fonction de certains paramètres techniques objectifs représentatifs de chaque tiers d’une architecture distribuée connectée :
internaute : nombre d’éléments du DOM ;
réseau : Ko transférés (download) ;
serveurs : nombre de requêtes HTTP.
En fonction de l’EcoIndex, on peut dériver l’empreinte environnementale moyenne d’une page web. C’est ce que proposent le service en ligne EcoIndex.fr et les extensions pour Firefox et Chrome.
Software Longevity Index
Suite à la publication, en 2010, de l’article de référence sur le phénomène d’obésiciel et son rôle dans le déclenchement de l’obsolescence des matériels, nous avons mis au point, entre 2010 et 2011, un « indicateur de durabilité logicielle ». Traduit en anglais par Software Longevity Index (SLI), il ne témoigne pas directement d’impacts environnementaux. En revanche, le SLI témoigne, de façon prédictive, de la contribution d’un logiciel au raccourcissement ou à l’allongement de la durée de vie d’un matériel.
Pour en savoir plus sur le SLI, lire cette présentation détaillée : SLI un indicateur pour évaluer la durabilité des logiciels.
Le caractère prédictif du SLI est particulièrement intéressant pour faire des choix raisonnés en terme de politique de mises à jour et d’upgrade logiciel. Nous l’avons donc soumis au Comité d’Orientation Stratégique (CoS) de l’Afnor dès 2012 pour le normaliser. Malheureusement, plusieurs éditeurs de logiciel s’y sont opposés à l’époque. La preuve de son intérêt ?
D’autres outils permettant de quantifier les impacts environnementaux de services numériques, et / ou de les écoconcevoir, sont présentés dans le livre blanc du Pôle éco-conception dédié à ce sujet.