Il ne reste plus que deux satellites à lancer pour compléter la constellation du GPS chinois. Le service s’appuiera également sur la 5G et illustre la volonté farouche de l’empire du Milieu d’atteindre une indépendance technologique globale.
Brique après brique, la Chine construit et consolide son indépendance technologique, enjeu majeur pour le régime. Il y a bien sûr les services Internet comme Baidu (le Google local) ou Alibaba (commerce en ligne et ses multiples filiales), WeChat (réseaux sociaux) ou encore les télécoms avec un Huawei surpuissant qui couvre toute la chaîne de valeur, des infrastructures réseaux aux smartphones utilisés par les Chinois en passant par les puces. Autant d’entreprises leaders dans leurs domaines dans le pays.
Toujours dans cette quête de maîtriser de bout en bout accès et services, Pékin a décidé avant les années 2000 de ne plus être dépendant des Etats-Unis et de son GPS en matière de géolocalisation par satellite. Une brique technologique aujourd’hui indispensable dans la plupart des services en ligne. Car le GPS est un système conçu par et pour l’armée des États-Unis et sous son contrôle. Le signal peut ainsi être dégradé à tout moment si le gouvernement des États-Unis le désirait.
Un service imposé en Chine
Et le GPS chinois, baptisé Beidou (en référence à la constellation de la Grande Ourse) est aujourd’hui en passe d’être finalisé. Il ne reste plus que deux satellites à lancer avant juin prochain pour compléter une constellation de 48 appareils afin que que le dispositif couvre 100% de la planète.
En 2000, la région Chine était couverte puis la zone Asie-Pacifique en 2012, et quasiment toute la surface du globe depuis fin 2018. Les autorités affirment que le système est plus précis que le GPS américain mais sans donner plus d’éléments.
Beidou n’est pas là pour faire de la figuration: selon le quotidien économique japonais Nikkei, la valeur que pourrait générer cet écosystème en biens et services pourrait atteindre 57 milliards de dollars dès cette année. Beidou s’appuiera en effet sur la 5G qui est une réalité en Chine et sur un écosystème de 120 partenaires. Quand on sait que le numérique au global pèse 33% du PIB du pays (en 2017), on comprend les ambitions chinoises. Et les autorités promettent un système encore plus précis pour 2035…
Pékin n’entend pas laisser de place à la concurrence: Beidou est imposé aux mobinautes et aux fabricants de smartphones du pays (ce sont en effet les fabricants de terminaux qui choisissent quel système sera utilisé par défaut pour ces besoins), aux services publics, aux fabricants automobiles, aux compagnies de transport aérien et maritime. Selon Les Echos, en 2018, 6 millions de voitures particulières, 35.000 véhicules des services postaux, 80.000 bus et près de 400 navires utilisaient Beidou en Chine.
120 pays pourraient utiliser Beidou
L’empire du Milieu souhaite également « inciter » ses voisins à utiliser son système dans le cadre de son méga-projet de nouvelle route de la soie. Une trentaine de pays est concernée et déjà, la Thaïlande, le Pakistan, le Laos et Brunei ont donné leur accord à la Chine. Selon Pékin, ce sont 120 pays à terme qui utiliseront Beidou.
Cette volonté d’indépendance technologique vis-à-vis des Etats-Unis, on la retrouve également en Europe mais dans une moindre mesure. Si le Vieux continent n’est pas parvenu à créer des concurrents solides à Google, Facebook ou Amazon (à part quelques réussites comme Spotify), il s’est attaché à mettre sur orbite son propre GPS, le système Galileo aujourd’hui quasiment opérationnel (31 satellites en orbite) et bien plus précis que le GPS américain (de l’ordre du mètre contre une dizaine de mètres)… Il serait utilisé par 1 milliard de terminaux. Mais le projet aura connu de nombreux retards et remises en question, mettant 10 ans de plus que prévu à être bouclé (lancé en 1998, il devait être opérationnel en 2008).
La Russie a également pris le même chemin en lançant Glonass (26 satellites) qui d’ailleurs devrait établir des ponts avec Beidou avec toujours le même objectif: rogner la domination du GPS américain.
Reste que ce dernier dispose encore d’une avance considérable. En 2014, le nombre total de récepteurs GPS était estimé à 3,6 milliards dont 3,08 milliards de smartphones utilisant le système américain.