Le Portugal sous le feu d’attaques informatiques

Après le journal Expresso et la chaîne de télévision SIC en janvier, l’opérateur mobile Vodafone a été la cible d’un piratage de grande ampleur. Des services essentiels du pays se sont retrouvés bloqués. Sa sécurité, souligne la presse ce matin, est désormais menacée.

Une seule entreprise est visée et c’est tout un pays qui est touché. Dans la nuit du lundi 7 au mardi 8 février, la filiale portugaise de l’opérateur mobile britannique Vodafone (le deuxième du monde en nombre d’abonnés derrière China Mobile a été victime d’une attaque informatique, “laissant de nombreux services essentiels, comme les pompiers, le Samu et des hôpitaux dans l’impossibilité de recevoir des appels ou des SMS”, rapporte Público.

La une de Público mercredi 9 février 2022.

La une de Público mercredi 9 février 2022.

Le journal propose d’ailleurs une une pour le moins anxiogène ce matin, en mettant en scène un hackeur encapuché sur fond noir, pour revenir sur cette nouvelle “salve de piratages”, qui désormais “remet en cause la sécurité du pays”. Un avis partagé par toute la presse portugaise, qui consacre ses gros titres au piratage.

En janvier, une attaque d’ampleur avait déjà atteint la SIC, la première chaîne portugaise en termes d’audience, ainsi qu’Expresso, principal hebdomadaire du Portugal, les deux médias faisant partie du même groupe Imprensa, qui peine à s’en relever depuis. Et pour cause : des millions d’archives ont été détruites. Dans un article intitulé “Hackeurs : quand le plan est de tuer le messager”, Expresso avait dénoncé “la plus grande atteinte à la liberté de la presse depuis le 25 Avril” (date de la “révolution des œillets”, en 1974), attribuant l’attaque à un groupe de pirates espagnols et sud-américains.

Des “actes de guerre” pour “paralyser le pays”

Dans son éditorial du jour pour le Jornal de Negócios, Camilo Lourenço pointe “la surprenante fragilité numérique des entreprises” portugaises, en rappelant qu’un autre groupe de presse, Cofina, mais aussi le Parlement ou encore le réseau CUF Saúde, le plus gros groupe de santé privé du pays, ont récemment été victimes d’intrusions. Cette fois, souligne l’éditorialiste, le piratage est monté en gamme :

Le plus préoccupant et surprenant dans cette attaque est qu’elle ne visait pas une PME […] mais la filiale d’une multinationale de télécommunications qui compte 4 millions de clients.”

4,7 millions de clients pour être exact, précise en manchette le Correio da Manhã. Autant de détenteurs de téléphones portables qui se sont retrouvés sans réseau, à cause d’une “attaque terroriste et criminelle”, comme la qualifie Vodafone.

Pour le Jornal de Notícias, “le pays est la cible de sabotages depuis trois mois”. Des “actes de guerre” commis par des “hackeurs étrangers” qui n’ont comme objectif que de “paralyser le pays” . De son côté, l’expert en cybersécurité José Tribolet est plus pessimiste à la une de Jornal i : “Dans le cyberespace, nous sommes en guerre depuis de nombreuses années.” Il avance la possibilité d’une origine militaire, dans un contexte de tensions avec la Russie. “Tous les États membres de l’Otan subissent de telles attaques”, assure-t-il.

La santé et le bien-être en danger

Le Diário de Notícias rappelle que, depuis une loi votée en juillet 2021, les entreprises qui fournissent des services essentiels (qu’elles soient publiques ou privées, dans les secteurs de l’énergie, de l’eau, des communications et des transports) encourent des amendes allant jusqu’à 50 000 euros si elles ne proposent pas de solution de secours en cas d’attaque informatique.

Dans les colonnes du même journal, Carlos Rosa, directeur de l’Iade (Faculté de design, de technologie et de communication), s’inquiète du danger que représentent les raids de hackeurs :

Hier des médias, aujourd’hui un opérateur de télécoms. Et le jour où ce sera un hôpital ? Avec des données et des données de patients ? Des appareils et des machines dépendant d’un seul réseau ? Lorsque ces violations numériques auront un impact sur notre santé et notre bien-être, il sera peut-être déjà trop tard.”

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