Envie d’évaluer l’empreinte environnementale du numérique de votre entreprise ? C’est possible grâce à cet outil simple et pratique.
Ce mercredi 8 décembre, c’était la Journée mondiale du climat. Pour l’occasion, Frédéric Bordage, fondateur du collectif GreenIT, nous explique comment les entreprises peuvent réduire leur empreinte environnementale du numérique…
L’industrie numérique coûte cher… à la planète. Pour sensibiliser les entreprises à l’utilisation raisonnée du numérique, une base de données internationale développée par le consortium NégaOctet en collaboration avec l’Agence de la transition écologique (Ademe) vient d’être lancée. Cet outil unique au monde permet d’évaluer l’empreinte environnementale du numérique des entreprises et la durée de cycle de vie des équipements informatiques.
Entretien avec Frédéric Bordage, fondateur du collectif GreenIT et membre du consortium NégaOctet, qui nous en dit plus sur cet outil, ainsi que sur le principe de sobriété numérique appliqué aux entreprises.
Pouvez-vous présenter la base de données NégaOctet ?
NégaOctet ressemble un peu à un tableur avec des lignes et des colonnes, dans lequel on référence 1 500 modèles standards internationaux (ordinateur, smartphones etc.), associés à des effets aux conséquences environnementales. L’outil est accessible pour n’importe quelle entreprise.
On fait du prêt-à-porter avec nos 1 500 modèles informatiques, mais aussi de la haute couture puisque nous proposons aussi un calcul sur-mesure de l’empreinte environnementale d’un équipement spécifique, en se basant sur des critères techniques précis (taille de l’écran, nombre de cœurs du microprocesseur). Ce genre de bases de données existaient déjà dans de nombreux domaines comme le BTP ou l’agroalimentaire, mais pas dans le numérique.
Dans quelle mesure cet outil peut sensibiliser et aider les entreprises à réduire leur empreinte environnementale numérique ?
Un peu comme le Nutri-Score avec les aliments, NégaOctet permet de connaître le coût environnemental exact d’un service proposé par une entreprise (celui d’afficher le solde tout compté des clients pour une banque en ligne, par exemple).
Une fois que l’entreprise connaît son bilan environnemental, elle peut définir des plans d’action pour réduire son empreinte. Par exemple, si elle a l’habitude d’imprimer 30 feuilles par jour, elle peut décider de passer à cinq feuilles et évaluer concrètement l’impact de cette mesure.
L’idée est de pouvoir, données chiffrées et précises à l’appui, sensibiliser les entreprises et salariés de manière concrète et donc convaincante. Si on vous dit par exemple qu’un écran d’ordinateur nécessite plusieurs milliers de litres d’eau pour sa fabrication, il est possible que vous réfléchissiez à deux fois avant d’exiger un deuxième écran pour travailler. L’un des objectifs à long terme est aussi de pouvoir afficher l’empreinte environnementale de n’importe quelle entreprise, de façon que les consommateurs puissent faire un choix éclairé.
Mais les entreprises n’auront de toute façon plus le choix à terme. C’est là tout le sujet de fond : nous les aidons à prendre les devants et à anticiper les obligations légales d’afficher leur bilan environnemental. Contraintes qui en France ne manqueront pas d’apparaître d’ici à cinq ans, conformément à l’article 2 de la loi Climat.
Justement, quelles actions concrètes une entreprise peut-elle mettre en œuvre pour diminuer son impact numérique ?
Limiter l’utilisation des écrans supplémentaires, ainsi qu’industrialiser et systématiser le réemploi des équipements. On peut, par exemple, donner une seconde vie aux appareils qui quittent les entreprises et qui sont (dans 80 % des cas) encore fonctionnels. On peut aussi faire appel à un commerce de reconditionnement pour revendre le matériel, ce qui va du même coup rapporter de l’argent à la société qui les revend.
L’écoconception des services numériques est aussi primordiale, tout comme le fait de sensibiliser les informaticiens et les informaticiennes responsables de la Direction des systèmes informatiques (DSI). Une stratégie clé que l’on oublie trop souvent, mais cruciale puisque ces personnes sont les mieux placées pour instaurer ces démarches au sein des entreprises.
Si vous appliquez ces quatre principes, vous avez déjà effectué 90 % du boulot ! L’idée peut finalement se résumer en une phrase : être plus raisonnable dans nos usages numériques quotidiens et créer des services plus sobres.
Ce qui nous amène au principe de la sobriété numérique. Comment cette notion est-elle perçue en 2021 ?
Elle a évolué et est moins associée qu’avant à des « revendications d’écolo intégriste » mais reste encore mal comprise. On l’assimile encore parfois au fait d’adosser une responsabilité principalement aux consommateurs. Mais la sobriété numérique implique pourtant un effort de la part de toutes les entités : aussi bien des consommateurs que des entreprises, des institutions, etc.
Cette expression s’est forgée autour de l’urgence à limiter notre usage du numérique, car il s’agit d’une ressource à laquelle nous sommes devenus extrêmement dépendants, mais qui n’est pas renouvelable à l’infini. Ce n’est pas par hasard qu’on emploie le terme de « sobriété » : elle fait référence à notre dépendance au numérique et à la nécessité de nous désintoxiquer.