L’alliance entre le mainframe et Linux, qui fête ses 20 ans ce mois-ci, s’avère plus vitale que jamais, essentiellement via Red Hat OpenShift.
Le mainframe est requinqué par le rachat de Red Hat et par le choix d’IBM de miser sur Linux il y a de cela 20 ans.
Au fil des années, le mainframe a été déclaré « mort », « métamorphosé », « transformé » tellement de fois qu’il est difficile de croire que Big Iron (surnom du mainframe) a encore une identité dans le monde de l’entreprise. Et pourtant, il en a une, et même importante, comme le montre l’actualité récente : selon IBM, 75 % des 20 premières banques mondiales s’appuient sur le tout dernier mainframe z15, et l’IBM Systems Group a fait état d’une augmentation de 68 % du chiffre d’affaires de l’IBM Z au second trimestre, par rapport à la même période de l’année précédente. La vitalité actuelle du mainframe est à mettre essentiellement au crédit de Linux, et plus précisément de Red Hat OpenShift, et de divers logiciels comme IBM Cloud Paks et les applications open source.
Un pari sur Linux payant
Le mariage de Linux et du mainframe fête ses 20 ans ce mois-ci, et si cette union incongrue - certainement au début en tout cas - a été une bénédiction pour le mainframe, celle-ci devrait se prolonger pendant de nombreuses années encore. « Au cours des cinq premières années environ, nous avons juste expérimenté ce que nous pouvions faire avec Linux et le mainframe, mais ensuite, dans le sillage de la consolidation des serveurs, nous savions que nous avions entre les mains quelque chose d’important », a déclaré Ross Mauri, le directeur général d’IBM Z. « Ce qui nous a vraiment fait progresser, c’est que les grandes entreprises financières de Wall Street avaient toutes des serveurs Sun Solaris avec de grosses bases de données, et beaucoup ont décidé de consolider sur le mainframe Z fonctionnant sous Linux, et c’est là que nous avons vraiment démarré », a-t-il ajouté.
Un autre facteur qui a contribué à cette réussite : l’investissement, en 2000, d’un milliard de dollars par Big Blue dans tout ce qui touche à Linux. Cette manne a permis un énorme pas en avant pour faire entrer le système d’exploitation et les logiciels open source en général sur le marché des entreprises. Depuis cette époque, de nombreuses étapes ont été franchies par Linux, notamment, il y a cinq ans, l’introduction du boîtier autonome LinuxONE aujourd’hui au cœur de certaines des plus grandes implémentations au monde.
Red Hat à la rescousse
Le chapitre suivant de l’histoire des mainframes a commencé l’an dernier quand IBM a acheté la pépite du monde Linux, Red Hat, pour 34 milliards de dollars, associant la capacité opérationnelle massive, la sécurité et la fiabilité de Big Iron avec Open Shift et Red Hat Enterprise Linux. IBM a également livré Red Hat Ansible Certified Content for IBM Z et lancé une nouvelle offre de développement natif du cloud appelée Wazi Workspaces, qui permet aux développeurs d’utiliser des outils standards de l’industrie d’IBM Z à des plates-formes multi-clouds optimisées pour OpenShift. La combinaison de ces éléments avec tous les travaux sur le logiciel open source pour mainframe menés dans le cadre du projet Open Mainframe de la Linux Fondation, font que les clients disposent désormais d’un tas d’options de développement pour les charges de travail basées sur le cloud privé ou public. « Les clients n’ont plus besoin de développer et de travailler avec des outils propriétaires, et zOS est complètement intégré dans le monde du développement applicatif moderne », a déclaré M. Mauri.
A propos de cette tendance, Gartner a récemment déclaré : « Maintenant, les développeurs, les testeurs et le personnel d’infrastructure et d’exploitation ont la possibilité d’utiliser les mêmes outils qui existent dans le monde distribué. Rocket Software, CA Technologies et IBM soutiennent le projet Open Mainframe Project Zowe, qui rend l’adaptation des outils open-source beaucoup plus facile ». Zowe est un framework open-source développé par IBM qui permet aux équipes de développement et d’exploitation de gérer, contrôler, scripter et développer en toute sécurité sur un mainframe comme sur n’importe quelle autre plate-forme cloud. « Depuis le logiciel de développement d’applications jusqu’aux moteurs d’orchestration DevOps complexes, ces plates-formes traditionnelles connaissent un regain de pertinence dans le datacenter qui les rend accessibles à tous les développeurs et testeurs. Ce changement apporte une réponse au problème posés par les anciens outils de développement, jugés trop limités et démodés, qui poussaient auparavant les développeurs à abandonner les plates-formes traditionnelles », a déclaré Gartner. Concernant l’avenir, M. Mauri croit qu’un certain nombre de technologies clés continueront à faire du mainframe un acteur essentiel du cloud et de l’IT.
Sécurité globale « Confidential Computing »
Le modèle de sécurité globale appelé « Confidential Computing », fait partie de ces rôle clés. Comme le décrit IBM, le « Confidential Computing » permet de protéger les données, les applications et les processus à l’échelle. Big Blue a livré plusieurs produits qui répondent à ce principe d’IT confidentielle. C’est le cas par exemple du logiciel Secure Execution for Linux d’IBM qui permet aux clients d’isoler et de protéger un grand nombre de charges de travail contre les menaces internes et externes dans un environnement de cloud hybride. « D’autres logiciels permettent aux clients de verrouiller les charges de travail Kubernetes conteneurisées ou les clusters Red Hat OpenShift », explique encore IBM.
Le concept de « Confidential Computing » est également soutenu par un projet de la Linux Fondation appelé Confidential Computing Consortium. Dans cette association, on trouve Alibaba, Arm, Baidu, IBM/Red Hat, Intel, Google Cloud et Microsoft, qui traduisent le concept à l’échelle de l’industrie. « L’entreprise a pour ambition de traiter les données en cours d’utilisation, et de traiter les données cryptées en mémoire sans les exposer au reste du système, de façon à réduire l’exposition des données sensibles et à offrir un meilleur contrôle et une plus grande transparence aux utilisateurs », indique le consortium sur son site web. « Il s’agit de l’une des toutes premières initiatives à l’échelle de l’industrie pour traiter les données en cours d’utilisation, car les approches actuelles en matière de sécurité se concentrent largement sur les données au repos ou en transit. L’objectif du l’organisation en matière de Confidential Computing est particulièrement important, car les entreprises déplacent une plus grande partie de leur charge de travail pour couvrir de multiples environnements, depuis les environnements sur site jusqu’au cloud public et à la périphérie ».
Selon M. Mauri, IBM en est à sa quatrième génération de technologie Confidential Computing, ce qui lui permettra de garder une longueur d’avance sur d’autres acteurs du cloud industriel et de disposer d’une arme de sécurité puissante dans un avenir prévisible. « Le paysage des vulnérabilités est en constante évolution, et les entreprises peuvent être attaquées à travers leurs systèmes IT. Ajoutez à cela les préoccupations relatives à la confidentialité des données et à la réglementation et vous obtenez un tableau complet », a déclaré Terri Cobb, partenaire principal de l’alliance chez Deloitte Consulting. Une enquête réalisée récemment par Deloitte et Forrester Consulting auprès des décideurs du monde des affaires et de l’IT a montré que 80 % des personnes interrogées étaient concentrées sur la modernisation des outils de mainframes afin d’identifier et de prévenir les violations de données, et que 73 % d’entre elles augmentaient leur empreinte de sécurité. « La protection et la sécurité des données sont essentielles, or les mainframes restent l’une des plateformes les plus sûres et les plus puissantes disponibles quand les bons contrôles sont en place », a déclaré M. Cobb.
Paiement à l’usage
« Une autre orientation prise par IBM en matière de mainframe est celle d’un modèle de licence plus agile, basé sur la consommation, qui permet aux clients de ne payer que ce qu’ils consomment », a encore déclaré M. Mauri. « C’est en 2019 que Big Blue a lancé son modèle de tarification sur mesure, et aujourd’hui son offre a été adoptée par plus de 80 clients », a déclaré M. Mauri. IBM propose deux modèles de tarification basés sur la consommation qui peuvent aider les clients à faire face à une charge de travail en constante évolution et donc aux coûts des logiciels. Ross Mauri a déclaré qu’IBM pensait que demain ce modèle de consommation du hardware se développerait. « La capacité à prévoir la demande de services IT peut être un défi majeur, et à l’ère de l’hybride et du multicloud, tout est connecté et les modèles de charge de travail changent en permanence », avait écrit M. Mauri en 2019 dans un blog sur les nouveaux tarifs et services. « Dans cet environnement, gérer la demande de services IT peut être un défi majeur. Alors que de plus en plus de clients se tournent vers un modèle IT d’entreprise intégrant services sur site, cloud privé et cloud public, nous avons développé un modèle simple de tarification du cloud pour faire avancer la transformation ».
Opportunités ML/IA
D’autres affirment que des technologies comme l’apprentissage machine (ML) et l’intelligence artificielle (IA) seront également les moteurs du développement futur des mainframes. « La connaissance des données permet d’obtenir des résultats exploitables et rentables, mais le volume de données augmente à un rythme astronomique. C’est là que l’intelligence artificielle peut faire la différence, surtout lorsqu’elle est utilisée sur un mainframe. Dans les secteurs de la banque, de l’industrie, de la santé ou de l’assurance, la quantité de données résidant sur un mainframe est colossale. Sans l’IA, vous ne pourriez jamais donner un sens à tout cela », a expliqué Terri Cobb, de Deloitte. A titre d’exemple, ce dernier a déclaré que les opérations bancaires de base pourraient consister à autre chose que simplement exécuter de gros volumes de transactions. « Pour être compétitives, les banques ont besoin de connaissances approfondies sur les besoins, les préférences et les intentions des clients. Elles ont aussi besoin de rapidité et d’agilité pour partager ces connaissances et agir en conséquence. C’est plus facile à dire qu’à faire quand les données changent constamment. Mais, si vous pouvez analyser les données directement sur le mainframe, vous pouvez obtenir des informations et agir en temps quasi-réel. Cela fait du mainframe un acteur important de la révolution ML/IA », a ajouté M. Cobb.
L’environnement mainframe n’est pas sans présenter des défis pour l’avenir. Par exemple, un marché en pleine croissance concerne le transfert des applications mainframes de Big Iron vers les services clouds. De grands acteurs du cloud comme Amazon, Google et Microsoft participent également à la modernisation des applications mainframes. Ainsi, en février dernier, Google Cloud a racheté la société Cornerstone Technology, spécialisée dans des services de migration des mainframes vers le cloud privé et public, afin d’aider les clients Big Iron à transférer leurs charges de travail vers le cloud privé et public. Un écosystème de fournisseurs de services de modernisation de mainframes comme Astadia, Asysco, GTSoftware, LZLabs, Micro Focus a également émergé.
Le besoin en codeurs COBOL
Un autre défi consiste à trouver et à former les bonnes personnes pour faire prospérer l’environnement mainframe. « Tout le monde a pensé que les ordinateurs mainframes finiraient par disparaître, au point que les universités ont cessé de proposer des cours axés sur le COBOL et d’autres compétences essentielles en la matière. Avec le départ à la retraite des baby-boomers, les préoccupations concernant les talents en matière de mainframes deviennent réalité », a déclaré M. Cobb. « L’enquête de Deloitte a révélé que 71 % des répondants ont déclaré que leurs équipes étaient en sous-effectif et 93 % ont déclaré qu’il était « modérément » voire « extrêmement difficile » d’acquérir les bonnes ressources et compétences en matière de mainframes », a déclaré M. Cobb. « Beaucoup de grandes entreprises s’attaquent à ce problème en recrutant et en formant des étudiants, en développant un programme de mentorat, en proposant des stages ou en s’adressent à des tiers pour obtenir le support nécessaire. « Les mainframes n’avancent pas. Il faut que le réservoir de talents corresponde à la demande », a encore déclaré M. Cobb. Malgré ces défis à relever, M. Cobb a déclaré que « l’enquête du cabinet conseil avait montré que les clients cherchaient à augmenter leur investissement dans les mainframes, 91 % des répondants ayant indiqué que l’expansion de leur empreinte en mainframe était une de leur priorité ‘modérée’ ou ‘essentielle’ pour les 12 prochains mois ».
Article rédigé par Matt Asay, contributeur (adaptation Jean Elyan)