L'accord de 66 milliards de dollars pour le rachat d'Arm par Nvidia s'effondre

Le 8 février 2022

Initialement annoncée en 2020, l’acquisition prévue d’Arm par Nvidia auprès de SoftBank s’est effondrée en raison de « défis réglementaires importants », ont déclaré les entreprises dans un communiqué. En effet, la vente de l’entreprise britannique de puces Arm à Nvidia, pour un montant de 66 milliards de dollars, a échoué après que les autorités de réglementation des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Union européenne ont exprimé de sérieuses inquiétudes quant à ses effets sur la concurrence dans l’industrie mondiale des semi-conducteurs.

L’opération, la plus importante jamais réalisée dans le secteur des puces, aurait permis à Nvidia, dont le siège est en Californie, de prendre le contrôle d’une entreprise qui fabrique des technologies au cœur de la plupart des appareils mobiles dans le monde. Arm fabrique des technologies qui sont au cœur de tous les processeurs de smartphones, y compris les iPhone d’Apple et les appareils Android fonctionnant avec des puces Qualcomm. La société compte presque toutes les grandes entreprises de semi-conducteurs parmi ses clients. Une poignée de grandes entreprises technologiques qui s’appuient sur les conceptions de puces d’Arm, dont Qualcomm et Microsoft, s’étaient opposées à l’achat.

L’opération a fait l’objet d’un examen minutieux depuis son annonce. En décembre, la Commission fédérale du commerce des États-Unis a intenté une action en justice pour bloquer la transaction pour des raisons antitrust. L’année dernière, les autorités britanniques de la concurrence ont annoncé une enquête sur la vente.

Les sociétés de semi-conducteurs et de technologie craignaient que si Nvidia possédait Arm, elle puisse favoriser ses propres activités au détriment de ses clients qui n’ont peut-être pas d’alternative à la technologie ARM.

« L’accord vertical proposé donnerait à l’une des plus grandes entreprises de puces le contrôle de la technologie et des conceptions informatiques sur lesquelles les entreprises rivales s’appuient pour développer leurs propres puces concurrentes », a déclaré la FTC en décembre.

SoftBank a déclaré que le dépôt de 1,25 milliard de dollars qu’elle avait reçu dans le cadre de l’accord n’est pas remboursable et sera reconnu comme un bénéfice au quatrième trimestre de l’année fiscale se terminant le 31 mars 2022. Arm était indépendante jusqu’en 2016, date à laquelle le groupe SoftBank l’a rachetée pour 32 milliards de dollars.

Au Royaume-Uni, où les politiciens considèrent Arm comme un actif national stratégique, l’attention devrait se porter sur la question de savoir si l’entreprise sera cotée à Londres. Un examen de la concurrence britannique sur l’accord a été prolongé l’année dernière pour inclure des considérations de sécurité nationale. Hermann Hauser, le cofondateur d’ARM, avait déclaré que « ce serait un désastre si le rival américain NVIDIA parvenait à acheter la société britannique qu’il a aidé à construire. »

Le même mois, Hauser a publié une lettre ouverte adressée au Premier ministre britannique Boris Johnson, et a mis une pétition en ligne appelant à l’aide pour « Sauver ARM ». Dans un deuxième point évoqué pour s’opposer au rachat de la société, Hauser a dit que NVIDIA « détruirait » le modèle économique d’ARM, qui implique l’octroi de licences pour la conception de puces à environ 500 autres entreprises, dont plusieurs sont en concurrence directe avec l’acquéreur, a-t-il déclaré, ajoutant que le nouvel accord créera un monopole.

« Comme le président américain a militarisé la domination technologique dans sa guerre commerciale avec la Chine, le Royaume-Uni deviendra un dommage collatéral à moins qu’il ne dispose de ses propres armes commerciales pour négocier. ARM équipe les smartphones d’Apple, Samsung, Sony, Huawei et pratiquement toutes les autres marques du monde et peut donc exercer une influence sur chacun d’entre eux ».

Hauser avait également touché à la question de la « neutralité » d’ARM. « Pouvoir vendre à tout le monde est l’une des doctrines fondamentales du modèle commercial d’ARM », a-t-il expliqué Cependant, des personnes proches de SoftBank ont déclaré que la société préférerait coter Arm à New York et résisterait à la pression nationaliste. Les marchés américains accordent des valorisations plus élevées aux valeurs technologiques, même après une récente vente.

Rene Haas, responsable de l’unité de propriété intellectuelle a déclaré dans une interview qu’aucune décision n’avait été prise quant à l’endroit où Arm serait cotée ou si SoftBank continuerait à détenir une participation majoritaire après la cotation. Rappelons que Nvidia avait courtisé les politiciens britanniques en affirmant qu’elle était la mieux placée pour apporter un soutien financier à Arm, qui cherche à se développer sur de nouveaux marchés. Haas a déclaré que l’introduction en bourse donnerait à Arm « l’occasion de lever des fonds, ce qui est toujours une bonne chose ».

Kirk Boodry, analyste technologique chez Redex Holdings à Tokyo, a déclaré que la « grande question était de savoir si SoftBank peut obtenir la valeur qu’elle espérait recevoir de Nvidia » par le biais de l’IPO. Boodry a ajouté que la principale question était l’impact de l’introduction en bourse sur les rachats d’actions de SoftBank, « car la vente d’Arm semblait être la principale source de nouveaux fonds. »

Nvidia aurait abandonné sa quête d’Arm lors d’une réunion du conseil d’administration tenue le 7 février. Jensen Huang, directeur général de Nvidia, espérait utiliser les processeurs d’Arm pour consolider le rôle croissant de son entreprise dans les centres de données. Arm a déclaré dans un communiqué qu’elle est en bonne voie pour atteindre un niveau record de revenus de redevances, de revenus de licences et de bénéfices au cours de l’exercice actuel, qui se termine en mars.

En décembre 2022, la Federal Trade Commission (FTC) a intenté une action en justice pour bloquer l’acquisition d’Arm par Nvidia, la société de conception de semi-conducteurs, affirmant que l’accord à succès étoufferait injustement la concurrence : « l’accord vertical proposé donnerait à l’une des plus grandes entreprises de puces le contrôle de la technologie informatique et des conceptions sur lesquelles les entreprises rivales s’appuient pour développer leurs propres puces concurrentes. La plainte de la FTC allègue que la société combinée aurait les moyens et les incitations pour étouffer les technologies innovantes de nouvelle génération, y compris celles utilisées pour gérer les centres de données et les systèmes d’aide à la conduite dans les voitures ».

Selon des sources, des sociétés comme Intel, Amazon et Microsoft auraient donné aux régulateurs suffisamment d’informations pour empêcher la transaction. Elles ont précédemment fait valoir que Nvidia ne peut pas préserver l’indépendance d’ARM, car il est lui-même client d’ARM. Ainsi, il pourrait potentiellement devenir à la fois un fournisseur et un concurrent des détenteurs de licences ARM. « Nous continuons à défendre le point de vue exprimé en détail dans nos derniers documents réglementaires, à savoir que cette transaction offre l’occasion d’accélérer ARM et de stimuler la concurrence et l’innovation », a déclaré Nvidia en réponse aux critiques.

Par ailleurs, la Chine aurait également contribué à bloquer l’acquisition d’Arm par Nvidia. Dans le contexte actuel de guerre commercial entre la Chine et les États-Unis, les régulateurs chinois, inquiets de voir une technologie clef tomber dans les mains d’une entreprise américaine, ont également remis en question l’accord. La Chine serait de plus en plus préoccupée par le fait qu’elle ne contrôle pas les technologies clefs, notamment celles liées aux semi-conducteurs. Elle dépenserait plus d’argent pour importer des semi-conducteurs que pour importer du pétrole, et les puces ARM sont aussi omniprésentes en Chine qu’ailleurs.

Le Parti communiste chinois est sans doute frustré par les récentes tentatives américaines de limiter la compétitivité du pays sur le marché des semi-conducteurs. En 2019, l’administration Trump a fait pression sur le gouvernement néerlandais pour empêcher une entreprise chinoise d’acheter des machines de lithographie par ultraviolets extrêmes fabriquées par la société néerlandaise ASML. Ces machines sont quasiment indispensables pour fabriquer des puces de moins de 7 nm. Un an plus tard, les autorités américaines ont imposé des sanctions à Huawei, l’empêchant d’acheter des puces de pointe fabriquées par TSMC.

En raison de ces antécédents, les autorités chinoises se seraient opposées à la transaction Nvidia-Arm. L’échec de l’opération prive SoftBank d’une importante manne qu’elle aurait gagnée grâce à l’envolée du cours de l’action Nvidia. La transaction en espèces et en actions valait jusqu’à 38,5 milliards de dollars lorsqu’elle a été annoncée en septembre 2020. Mais la valeur a explosé avec l’envolée des actions de Nvidia, atteignant un pic de 87 milliards de dollars en novembre dernier.

Source : Softbank

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