L’informatique embarquée du premier sous-marin nucléaire français

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De 1963 à 1970, le Service technique des constructions et armes navales (STCAN) conçoit et réalise, avec des calculateurs embarqués à bord du premier sous-marin nucléaire français « Le Redoutable », deux systèmes d’aide à la navigation : un périscope de visée astrale (PVA) et un système azimétrique de présentation de la situation tactique. Claude Kaiser, professeur émérite d’informatique au CNAM, était à l’époque Ingénieur du génie maritime, fraîchement émoulu de Polytechnique et de l’École nationale supérieure du génie maritime, et membre de l’équipe de développement de ces systèmes. Il a relaté cette expérience passionnante dans un livre concis et illustré, Le Centre de calcul Cœlacanthe , que vous pouvez commander en ligne aux Éditions ILV [1]. Claude Kaiser a également créé un site avec des photos et des documents authentiques, et le livre à télécharger.

L’expression même « périscope de visée astrale » fait rêver : le sous-marin nucléaire navigue pendant des mois sous les eaux, seule sa centrale de navigation par inertie lui permet de connaître sa position, mais de temps en temps il faut corriger les dérives éventuelles de celle-ci, et alors le sous-marin se rapproche de la surface jusqu’à laisser émerger le frêle sommet du périscope de visée astrale, il scrute furtivement une étoile, puis replonge. Le programme informatique, à partir des données recueillies et des tables du bureau des longitudes, calculera une position exacte. On peut imaginer que cette visée ait lieu au milieu des glaces de la banquise arctique…

Mais l’azimétrie n’est pas moins fascinante : le sous-marin doit repérer la position et les déplacements des vaisseaux qui pourraient l’entourer, mais comme il doit aussi rester furtif, il ne peut recourir qu’à des moyens d’écoute passifs, qui ne fournissent que des azimuts. L’azimétrie consiste à calculer les autres paramètres caractéristiques (distance, route, vitesse) à partir de mesures successives d’azimuts.

La propagation du son dans l’eau de mer varie selon la température, la pression et la salinité de l’eau. Le relevé du gradient de la température (la bathythermie) permet de détecter les inversions de gradient, situations qui créent une sorte de guide d’ondes sonores capable de propager le son à de très grandes distances : le sous-marin doit éviter leur voisinage, et pour ce faire calculer la bathythermie.

Il fallait à tous ces travaux beaucoup de science : les calculs n’étaient pas simples, les ordinateurs étaient d’une puissance dérisoire à l’aune de ceux d’aujourd’hui.

Si vous avez rêvé en lisant 20 000 lieues sous les mers , ce petit livre est pour vous.

Notes :

[1] Centre de calcul Cœlacanthe 1963-1970, Claude Kaiser, http://www.ilv-edition.com/librairi…, 82 p., 9 euros.