Facebook, l'empire du faux

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Faux comptes, faux clics, fausses audiences et fausse protection des données personnelles. Face aux scandales, Facebook promet de changer. Peut-on encore y croire ?

Selon Aaron Greenspan, l’un des plus farouches opposants de Facebook, il pourrait y avoir jusqu’à 63% de faux comptes sur Facebook.

REUTERS/Aaron P. Bernstein

Faux comptes, faux clics, fausses audiences et fausse protection des données personnelles. Face aux scandales, Facebook promet de changer. Peut-on encore y croire ?

Il a promis de changer. Auditionné par le Sénat américain à la suite des ingérences russes lors des dernières élections présidentielles américaines, attaqué par des ONG et associations pour non-respect des données personnelles, épinglé par des experts qui pointent des failles béantes de sécurité, Mark Zuckerberg l’assure : les bêtises, c’est terminé. Désormais, Facebook protégera la vie privée de ses utilisateurs, luttera efficacement contre les fake news et garantira même le bon fonctionnement de nos démocraties. Tout un programme. Mais peut-on encore croire sur parole celui qui, acculé, n’a eu de cesse de dissimuler les failles de son entreprise en omettant des informations, voire en mentant ? Dans les rangs des anti-Facebook, qui grossissent chaque jour un peu plus, l’acte de contrition du jeune milliardaire, cinquième fortune mondiale, passe mal.

“Mark a bâti une entreprise sur quinze années de mensonges !, clame à L’Express Aaron Greenspan, ex-camarade de Mark Zuckerberg à Harvard et l’un de ses plus farouches opposants. Facebook a maintes fois changé au cours de cette période, mais ce n’était jamais pour améliorer son utilité, juste pour atteindre les objectifs de croissance de Mark.”

Pour Aaron Greenspan, c’est pourtant évident. Lebusiness model du géant américain repose sur la vente d’espaces publicitaires pouvant potentiellement cibler plus de 2 milliards d’utilisateurs. “Si la moitié des comptes sont faux, alors la moitié de la capitalisation boursière de Facebook [482 milliards d’euros actuellement] repose sur des mensonges, ce qui constitue une fraude de centaines de milliards de dollars”, dénonce-t-il. La suppression massive de faux comptes martelée par les porte-parole de Facebook n’impressionne guère l’expert. Pour lui, il ne s’agit que d’un trompe-l’oeil : berner les algorithmes - en faisant passer des faux profils pour des vrais - serait d’une facilité déconcertante.

" Selon lui, le seul espoir de la firme est de faire changer l’interprétation de la loi en exerçant un lobbying intense auprès des instances européennes. “Leur principal argument consiste à dire qu’ils oeuvrent pour le bien de l’humanité en connectant les gens, en luttant contre le terrorisme et les fake news, etc., analyse-t-il. Une lutte qui demande énormément d’argent, ce qui justifie, selon eux, la publicité et donc la collecte systématique des données personnelles.”

Le tribunal de grande instance de Paris, saisi par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, n’est pas du même avis. Les juges ont condamné Facebook, le 9 avril dernier, à 30 000 euros d’amende après cinq ans de procédure. Ils épinglent, dans un document de 300 pages, l’opacité des pratiques, la collecte systématique des données personnelles et leur exploitation commerciale, qui passe par le partage des informations à des tiers sans le consentement des utilisateurs.

la démission fracassante en août 2018 de l’ex-“chef de la sécurité” Alex Stamos, qui était favorable à une plus grande transparence. Dans un enregistrement divulgué par ZDNet en octobre 2017, il estimait que le réseau de la plateforme était géré “comme celui d’un campus universitaire”, alors qu’il devrait être aussi sécurisé que celui d’une entreprise stratégique protégeant des secrets d’État. "

De même, inciter les utilisateurs à se désinscrire ne paraît pas être une bonne solution. “C’est une position élitiste que l’on ne défend pas, confirme Arthur Messaud. Car il est impossible de quitter Facebook sans perdre les relations sociales qu’on y a tissées. Une fois coupé de la plateforme, vous ne pouvez plus communiquer avec le reste de la communauté : les utilisateurs de Facebook sont pris en otages. La loi devrait permettre de quitter cet outil sans subir de telles conséquences négatives.” Pour Aaron Greenspan, la solution est plus radicale encore : “Mark devrait déjà être en prison.”