Facebook : le gouvernement américain s’oppose au chiffrement complet des messageries

Le procureur général des États-Unis, Bill Barr, a écrit à Facebook pour lui demander de renoncer à crypter l’ensemble de ses plateformes de messageries. Il demande la mise en place d’une backdoor pour permettre aux forces de l’ordre d’accéder aux données

C’est une demande très ferme et qui n’a rien d’amicale. Le procureur général des États-Unis, Bill Barr s’est fendu d’une lettre à Facebook. Il insiste dans cette missive pour que le géant de la Tech stoppe son projet d’expansion du chiffrement de bout en bout de ses services de messagerie

Les entreprises ne devraient pas délibérément concevoir leurs système pour empêcher toute forme d’accès au contenu, y compris pour prévenir et enquêter sur les crimes les plus sérieux. Cela fait courir un risque pour nos citoyens et sociétés en érodant nettement la capacité d’une entreprise à détecter et répondre à des contenus et activités illégales, comme l’exploitation et l’abus sexuel d’enfants, le terrorisme, et les tentatives d’adversaire étranger de mettre en défaut les institutions et valeurs démocratiques, en empêchant la poursuite des criminels et la sauvegarde des victimes. Cela contrevient également à la capacité des forces de l’ordre à enquêter sur ces crimes ou d’autres crimes sérieux.

Le gouvernement américain n’est d’ailleurs pas seul dans son combat puisque le Royaume-Uni et l’Australie ont apposé leurs signatures à cette demande. Tous trois souhaiteraient que Facebook inclue : « un moyen pour accéder légalement aux contenus des communications de manière à protéger nos citoyens ».

Facebook n’entend pas renoncer à son projet
Si l’entreprise de Mark Zuckerberg acceptait, elle devrait donc mettre en place une backdoor pour permettre de contourner le chiffrement à chaque fois que cela s’avère nécessaire. Une telle mesure serait une sacrée entrave dans son engagement pour la protection de la confidentialité des échanges sur les messageries. Il s’agirait en effet d’un gros soucis pour Facebook régulièrement épinglé sur la question de la gestion de données personnelles de ses utilisateurs.

La firme de Mark Zuckerberg a d’ailleurs réagi assez négativement à la demande du gouvernement américain par le biais de plusieurs responsables : « Nous pensons que les gens ont le droit d’avoir des conversations privées en ligne, où qu’ils soient dans le monde. Comme les gouvernements américain et britannique le savent, le CLOUD Act autorise les entreprise à fournir les données disponibles en cas de requête légalement valide et ne les oblige pas à construire des backdoors. Nous nous opposons fermement aux tentatives de gouvernement visant à construire des backdoor car cela mettre en péril la vie privée et la sécurité des personnes partout dans le monde ».

Autant dire que le combat ne fait que commencer, mais Facebook semble réellement déterminé à ne pas céder sur le sujet. <-- ?! LOLesque !!!

William Barr ne veut pas que Facebook généralise le chiffrement des données à tous les services de son entreprise. Le ministre de la justice américain et plusieurs responsables politiques ont directement écrit à Mark Zuckerberg, le patron du réseau social, pour le lui faire savoir.

Dans ce courrier daté de vendredi 4 octobre, M. Barr, la ministre britannique de l’intérieur, Priti Patel, son homologue australien, Peter Dutton, et le ministre de la sécurité intérieure américain, Kevin McAleenan, font référence à la volonté, affichée au printemps par M. Zuckerberg, de faire de Facebook une plate-forme « centrée sur la vie privée » et dotée notamment de fonctionnalités de chiffrement des communications.

Ces dernières, invisibles pour l’utilisateur, protègent les contenus des discussions contre toute forme d’écoute. Concrètement, la présence d’un tel mécanisme de sécurité empêche quiconque – même Facebook – d’accéder au contenu des messages, réduisant du même coup drastiquement les informations que l’entreprise peut transmettre aux forces de l’ordre dans le cadre de leurs enquêtes. Actuellement, parmi les services de Facebook, seule la messagerie WhatsApp est protégée par le chiffrement dit « de bout en bout ». Messenger ou Instagram continuent d’être accessibles, sous conditions, aux enquêteurs.

Une porte dérobée
La perspective de voir Facebook protéger tous les échanges de ses milliards d’utilisateurs n’est absolument pas du goût des auteurs de la lettre. « Les améliorations en matière de sécurité dans le monde virtuel ne doivent pas nous rendre plus vulnérables dans le monde physique », écrivent ainsi ses auteurs. Ces derniers appellent Mark Zuckerberg à renoncer à son projet tant qu’il n’aura pas trouvé un moyen d’« inclure un moyen légal d’accès au contenu des communications ». Autrement dit, d’installer une porte dérobée pour permettre aux forces de l’ordre de préserver un accès aux messages échangés.

Les quatre responsables politiques accusent aussi Facebook d’avoir fait la sourde oreille à leurs alertes, formulées jusqu’ici en privé. La lettre – qui s’adresse, au-delà de Facebook, à toutes les entreprises – ne se contente d’ailleurs pas de réclamer cet accès mais l’exige. La missive ne précise pas, cependant, quelles pourraient être les mesures prises si Facebook s’y refusait.

Elle relance en tout cas un débat brûlant aux Etats-Unis et ailleurs. En 2016, le FBI avait demandé à Apple de concevoir un programme pour déjouer le mécanisme de chiffrement équipant ses téléphones, ce qui avait déclenché une bataille judiciaire homérique et un affrontement entre enquêteurs, chercheurs spécialisés et entreprises technologiques que d’aucuns ont surnommé la « guerre de la cryptologie ».

Dès 2015, plusieurs procureurs, dont celui de Paris, François Molins, avaient publié une tribune dans le New York Times pour alerter l’opinion sur les difficultés des enquêteurs à accéder à certaines informations. En septembre, les Etats-Unis et leurs plus proches alliés ont publié un texte défendant l’idée selon laquelle il fallait aménager dans les technologies de chiffrement un accès pour les forces de l’ordre. Les Etats-Unis ont trois ans plus tard, selon nos informations, tenté de rallier des pays européens, dont la France, à cette cause.

Des informations cruciales menacées par le chiffrement
Pour convaincre Mark Zuckerberg, les auteurs de la lettre soulignent l’apport « remarquable » du réseau social dans la lutte contre la pédocriminalité. Ainsi, selon la National Crime Agency britannique, les informations transmises par Facebook se sont traduites par 2 500 arrestations dans le pays l’an dernier. La lettre souligne aussi le cas d’un mineur, dont les conversations Facebook avec son agresseur ont permis de mettre fin à une série d’agressions sexuelles. Selon le US National Center for Missing and Exploited Children, un organisme américain de protection de l’enfance qui centralise les signalements envoyés par les réseaux sociaux, 70 % des informations données par Facebook aux forces de l’ordre feraient les frais d’un chiffrement de bout en bout.

« Nous soutenons le chiffrement fort », assurent les auteurs de la lettre. « Nous respectons aussi les promesses faites par les entreprises de protéger les données de leurs utilisateurs. Les citoyens qui n’ont rien à se reprocher ont une attente légitime en matière de vie privée. » Leurs demandes se heurtent cependant à un obstacle dont l’existence fait consensus parmi les experts en cryptographie : pour des raisons mathématiques et informatiques, il est impossible d’aménager un accès pour les forces de l’ordre sans affaiblir le chiffrement des communications. Ce dernier ne protège pas que les pédophiles et les terroristes : chacune de nos interactions numériques est protégée par une ou plusieurs couches de diverses technologies cryptographiques. Soit le chiffrement est robuste et impénétrable, soit il est compatible avec les forces de l’ordre et moins efficace. « Bien malin celui qui sait comment mettre un accès pour les autorités tout en protégeant les communications de tous les utilisateurs. Le risque, c’est que le coût soit incomparable avec le gain », disait en soupirant en début d’année un haut responsable français spécialiste de ces questions, sous couvert d’anonymat.

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Le 3ème épisode de la voie/x du libre est disponible, cette semaine le sujet est : Les backdoors ou porte dérobée en français
https://fairsocialnet.ch/ep3-les-backdoors/
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PS: dites moi si le format est trop court, car j’ai l’impression que je ne fait que survoler le sujet, ou si vous souhaitez plus qu’un sujet par épisode. Merci! #commentaires