Et si Facebook appartenait à tout le monde ? C'est le pari de l'holochain

Jean-François Noubel est un drôle de personnage. Il est chercheur en intelligence collective et mène une vie expérimentale. Il y a 8 ans, il a par exemple décidé de ne vivre que du don. Il travaille aujourd’hui sur une technologie prometteuse : l’holochain, une alternative à la blockchain moins gourmande en énergie. Nous l’avons rencontré lors du festival Futur.e.s le 13 juin 2019 à Paris.

Vous êtes chercheur en intelligence collective. En quoi consiste cette discipline ?

Jean-François Noubel : Ma discipline de recherche consiste à comprendre comment le vivant fonctionne. Cela signifie observer le fonctionnement de milliards de cellules, d’un État, d’une multinationale… L’idée est d’identifier comment différentes particules ou individus commencent à faire corps. Par ailleurs, je mène une vie expérimentale, qui m’amène à des choix très décalés de ceux de mes contemporains. Depuis 8 ans, je vis par exemple dans l’économie du don . Tout ce que je peux offrir, je l’offre. Et ce que j’obtiens, les gens décident de me le donner par gratitude ou par gentillesse, pas suite à une négociation commerciale. Je ne travaille pas au sens classique du terme. Je rends des services à des personnes et des entreprises. Ils n’ont pas de dette envers moi, mais s’ils se sentent reconnaissants, ils peuvent me donner de l’argent.

L’holochain choisit une approche technologique différente, même si elle utilise des briques technologiques similaires. Dans l’holochain il n’y a pas de consensus global, ni de minage. Il n’est pas nécessaire de partager toutes les données à tout le monde pour se mettre d’accord. Les cellules dans votre corps n’ont pas besoin de partager l’historique de toutes vos cellules depuis votre naissance pour se coordonner. Chacune des cellules interagit avec certaines cellules voisines mais pas avec l’ensemble du corps. Et pourtant cela fonctionne. La nature a trouvé un chemin économe en énergie, que l’holochain tente de reproduire .

Qu’est-ce que l’holochain permet concrètement ?

J-F. N. : Elle donne la possibilité de développer des applications distribuées et cela va révolutionner la société humaine. On peut utiliser l’holochain pour mettre en place des infrastructures décentralisées de gestion des transports, des déchets, des échanges énergétiques, des réseaux sociaux… Cela signifie que les gens pourront décider par eux-mêmes. L’holochain permet de réaliser l’idée originelle du web défendue par Tim-Berners Lee : un web ouvert et décentralisé. Si Facebook appartenait à tout le monde, les algorithmes seraient sans doute très différents de ceux mis en place aujourd’hui. Si on décide de créer des services de mobilité pour lesquels les citoyens ont un pouvoir de décision, on obtiendra certainement des systèmes très différents de ceux proposés par les constructeurs automobiles qui n’ont pas les mêmes intérêts.