Comment La Poste tente de constituer une base de données géante sur « tous les Français »

Le « Gafa » français est-il jaune ? Bien entendu, tout cela n’est pas proclamé aussi clairement. Dans sa communication grand public, La Poste évoque l’intelligence artificielle et Probayes, mais pas le ciblage publicitaire. Pour illustrer la nouvelle diversité des métiers postaux, La Poste a réalisé une campagne présentant plusieurs de ses salariés en fonction de leur lieu de travail. Pour Grenoble, c’est forcément tombé sur les nouvelles technologies. Une pleine page présente ainsi Leslie et son charmant métier : « À Grenoble, j’analyse des datas pour votre entreprise, je suis postière. Leslie est data analyst chez Probayes, filiale de La Poste. Elle utilise l’intelligence artificielle pour optimiser le transport et la livraison des colis. » « Optimiser » le transport et la livraison de colis, qui peut être contre ? Ça passe forcément mieux que « Leslie utilise l’intelligence artificielle pour que La Poste vende des fichiers nominatifs à des entreprises dont le but est de vous faire acheter des choses dont vous n’avez pas besoin » .

Une base de données géante sur tous les Français pour faire comme Google et Facebook

Comme Leslie a l’air épanouie dans son travail, on a voulu en savoir un peu plus sur ces nouveaux métiers postaux et on est tombé sur des offres d’embauche étonnantes. La Poste recherche par exemple un chef de projet données client. Son rôle : travailler sur « le Programme prioritaire commun Connaissance clients, qui a pour mission de constituer une base de données centralisant les données des clients du groupe La Poste (hors données bancaires) et à terme potentiellement de tous les Français » pour « faire de la connaissance clients le levier de la performance de chacune des branches du groupe » . Une base de données géante sur tous les Français pour faire comme les Américains de Google et Facebook : transformer vos vies en données pour les revendre sur le marché de la connaissance client.

Mais le ciblage publicitaire, « l’optimisation » d’un des plus gros fichiers de France, c’est forcément un sujet sensible. Probayes et La Poste le savent. Jean-Michel Lefèvre, directeur général de Probayes, assure que sa boîte a « historiquement attaché beaucoup d’importance à l’éthique dans le traitement des données » . Pourquoi pas ? Ça coûte rien de le dire et rien ne permet de le prouver. Aucun contrôle ne peut être fait sur la « valorisation » de ces millions de données. Bien entendu, ce n’est pas un problème créé par Probayes ou La Poste, mais un danger global dans une société gouvernée par des algorithmes.