API Java : la Cour suprême a retenu la date du 24 mars pour les audiences sur l'affaire opposant Google à Oracle

https://www.developpez.com/actu/292251/API-Java-la-Cour-supreme-a-retenu-la-date-du-24-mars-pour-les-audiences-sur-l-affaire-opposant-Google-a-Oracle-son-verdict-sera-sans-appel/

En novembre, la Cour suprême américaine a décidé de revoir quatre affaires après que des pétitions ont été déposées, parmi lesquelles celle opposant Google à Oracle sur une affaire de droit d’auteur impliquant du code informatique. L’affaire remonte en août 2010, lorsqu’Oracle a accusé Google d’avoir utilisé sans autorisation plus de 37 API Java et 11 lignes de code source du logiciel Java d’Oracle dans le système d’exploitation Android. Les API permettent aux logiciels de communiquer entre eux. La poursuite a été déposée moins d’un an après l’acquisition de Java par Oracle en concluant l’achat de Sun Microsystems.

La bataille juridique qui oppose les deux entreprises a connu de nombreux rebondissements, chaque partie ayant remporté des victoires juridiques au cours du chemin parcouru. En effet, en mai 2012, un jury a statué que l’acte de Google d’utiliser les API Java n’avait violé aucun brevet appartenant à Oracle. Mais Oracle a gagné en appel et l’affaire a été renvoyée à la cour inférieure. Google a encore gagné puisque le jury a décidé que les API Java étaient couvertes par la doctrine du fair use qui permettait à Google de les utiliser sans la permission d’Oracle. La Cour d’appel du circuit fédéral des États-Unis a annulé la décision précédente en mars 2018 et a renvoyé l’affaire devant un tribunal inférieur pour calculer les dommages-intérêts.

Pendant ce temps, les API sont passées de l’état d’objets non protégés par le droit d’auteur, ce qui a joué en faveur de la défense de Google, à celui d’objets protégés par le droit d’auteur permettant à Oracle d’avoir le dessus. L’affaire est maintenant devant la Cour suprême des États-Unis, qui avait initialement décidé de ne pas entendre l’affaire en 2014 lorsque Google l’a demandé. L’éditeur d’Android a demandé à la Cour suprême d’entendre l’affaire en janvier 2019, de même que les 175 entreprises, organisations à but non lucratif et individus qui ont signé 15 mémoires en justice soutenant le plaidoyer de Google.

Début janvier, Kent Walker, directeur juridique chez Google, a prévenu que les pratiques de développement de logiciels dans le monde entier pourraient être bouleversées si Oracle remporte la victoire, alors que le procès entre dans sa dernière phase (en effet, une décision de la Cour Suprême sera sans appel) : « Nous demandons à la Cour de réaffirmer l’importance de l’interopérabilité des logiciels qui a permis à des millions de développeurs d’écrire des millions d’applications qui fonctionnent sur des milliards d’appareils. Comme Microsoft l’a dit dans un précédent dépôt dans cette affaire : "Les consommateurs … s’attendent à pouvoir prendre une photo sur leur téléphone Apple, la sauvegarder sur les serveurs en nuage de Google, et la modifier sur leurs tablettes Surface ».

Et de noter que « La Cour examinera si le droit d’auteur devrait s’étendre aux interfaces logicielles et, si oui, s’il peut être juste d’utiliser ces interfaces pour créer de nouvelles technologies, comme l’a conclu le jury dans cette affaire ». Il a aussi résumé la position de Google dans l’affaire en disant : « Les interfaces logicielles sont les points d’accès qui permettent aux programmes informatiques de se connecter les uns aux autres, comme les fiches et les prises. Imaginez un monde dans lequel chaque fois que vous vous rendez dans un bâtiment différent, vous avez besoin d’une fiche différente pour s’adapter à la prise propriétaire, et personne n’est autorisé à créer des adaptateurs ».

Walker a soutenu que les interfaces ouvertes entre les programmes « sont les éléments de base de nombreux services et produits que nous utilisons aujourd’hui, ainsi que de technologies que nous n’avons pas encore imaginées ». « Une victoire d’Oracle bouleverserait la façon dont l’industrie de la technologie a toujours abordé la question importante des interfaces logicielles. Il accorderait pour la première fois aux détenteurs de droits d’auteur un pouvoir monopolistique pour bloquer la création de nouvelles implémentations et applications. Et cela rendrait plus difficile et plus coûteux pour les développeurs et les startups de créer plus de produits pour les gens », a ajouté Walker.

En mars dernier, Oracle avait demandé à la Cour suprême des États-Unis de rejeter la demande faite par Google pour que la plus haute juridiction des USA examine la dernière décision de justice concluant que Google avait violé le droit d’auteur d’Oracle sur la plateforme Java lors de la construction du système d’exploitation mobile Android. Selon les avocats d’Oracle, la stratégie de Google aurait empêché Oracle non seulement de vendre des licences, mais également de se lancer sur le marché des smartphones. « Naturellement, [Google] a infligé à Oracle des dommages incalculables sur le marché », avaient-ils dit.

Dans son article de blog, Google dit que l’affaire API Java fera une différence pour tous ceux qui touchent à la technologie, des startups aux grandes plateformes technologiques, des développeurs de logiciels aux fabricants de produits, des entreprises aux consommateurs. En effet, selon Walker, l’interopérabilité – la capacité de différents systèmes logiciels à échanger des informations – permet aux consommateurs d’avoir plus de choix quant à la façon d’utiliser les outils logiciels. Elle permet également aux développeurs et aux startups de défier les plus grandes plateformes. Avec l’interopérabilité, les entreprises peuvent aussi transférer des données d’une plateforme à l’autre sans en perdre une seule fois, a-t-il écrit.

Google a affirmé à maintes reprises qu’il était légal d’utiliser des parties du langage de programmation Java d’Oracle pour aider Android à communiquer plus facilement avec d’autres logiciels. Mais Oracle affirme qu’il lui doit au moins 8,8 milliards de dollars pour avoir utilisé le code sans licence. Selon le demandeur, une grande partie du succès commercial de Google au cours de la dernière décennie est venue de sa capacité à placer son moteur de recherche et ses annonces sur des téléphones fonctionnant sous Android, qui représentent environ un smartphone sur quatre dans le monde.

En raison du grand impact que l’issue de ce procès pourrait avoir sur l’univers informatique, plusieurs des plus grandes entreprises américaines ont pris parti pour Google dans cette affaire. Si la Cour venait à proclamer une victoire d’Oracle prochainement, Google paierait des milliards de dollars en dédommagement. Les amicus curiae se sont multipliés. Il s’agit de personnalités ou d’organismes, non directement liés aux protagonistes d’une affaire judiciaire, qui proposent au tribunal de lui présenter des informations ou des opinions pouvant l’aider à trancher l’affaire, sous la forme d’un mémoire (un amicus brief), d’un témoignage non sollicité par une des parties, ou d’un document traitant d’un sujet en rapport avec le cas

C’est ainsi que des entités comme Microsoft, l’Electronic Software Foundation, American Antitrust Institute, 72 spécialistes de la propriété intellectuelle, Developers Alliance, IBM, Python Software Foundation, ont apporté leur soutien à Google. Même certains groupes moins intuitifs ont déposé des mémoires pour soutenir Google, notamment l’Auto Care Association et le fabricant de cartouches d’imprimante Static Control Components.

D’autres analyses suggèrent qu’une victoire d’Oracle rendra plus difficile la coexistence de projets orientés open source avec un tel code. Par contre, une victoire de Google permettra aux développeurs de continuer à répliquer le code, y compris par l’utilisation ouverte continue des API, qui sont des moyens par lesquels les programmes définissent comment d’autres programmes peuvent communiquer avec eux. Selon IBM, cela nuira aux entreprises et à l’innovation.

« Nous devons continuer à favoriser un environnement où les entreprises de toutes tailles peuvent utiliser des interfaces ouvertes pour alimenter la recherche et l’innovation qui ont remodelé notre monde », a déclaré l’avocate générale d’IBM, Michelle Browdy, dans un communiqué. D’un autre côté, Microsoft a déclaré que les développeurs comptent sur la modification, l’amélioration et le partage du code écrit précédemment afin de créer de nouveaux produits et développer de nouvelles fonctionnalités. Selon la société, le développement sera impacté.

« Sans la possibilité de réutiliser le code fonctionnel pour créer de nouvelles choses, le développement de suivi innovant sera compromis », a déclaré Microsoft. Les mémoires sont une preuve de soutien à la vision de Google pour l’avenir. Environ 30 mémoires regroupant plusieurs sociétés ont été déposées depuis le début de l’année. Toutefois, même si les alliés se multiplient pour Google dans cette affaire, il ne faut pas oublier qu’Oracle a également la chance de rallier des alliés pour essayer de faire pencher la balance de son côté dans les semaines à venir.

Ce n’est que le 31 janvier que la Cour suprême a fixé le calendrier des audiences de mars 2020 et que les deux entreprises ont appris qu’elles seront entendues le 24 mars.