Amazon : entre impunité fiscale, sociale et environnementale, un rapport dénonce

À l’aube du Black Friday, Attac s’en prend à l’un des emblèmes du phénomène : Amazon. Pas franchement réputé pour ses bonnes pratiques, le géant du e-commerce est une nouvelle fois épinglé.

Côté management, on le savait : Amazon n’est pas un long fleuve tranquille. Entre les méthodes tyranniques de son gourou-leader, des équipes fliquées dans leurs moindres faits et gestes et un tissu local persécuté par des pratiques qui laissent peu de place à la concurrence, on ne peut pas dire que l’entreprise fasse figure de modèle.

Si jamais c’était nécessaire, petite piqûre de rappel. Dans un rapport partagé le 24 novembre 2019, l’association Attac, aux côtés des Amis de la Terre et de l’Union syndicale Solidaires, passe en revue les dérives du « modèle Amazon ».

Impunité fiscale
57 %. C’est la part du chiffre d’affaires d’Amazon réalisé en France que l’entreprise de Jeff Bezos s’attacherait à dissimuler, au profit d’une évasion fiscale massive. Côté impôts, aux États-Unis, le rapport avance qu’Amazon n’a pas réglé d’impôts fédéraux en 2017 et 2018. « Il semble qu’une proportion importante de la charge d’impôt a pu être effacée grâce au dispositif qui accorde des avantages fiscaux aux rémunérations versées au management des entreprises, sous forme de stock-options, et dont les montants dépendent des bénéfices », peut-on lire. En Europe, Margrethe Vestager, Commissaire européenne à la concurrence, estimait que : « grâce aux avantages fiscaux accordés par [le Luxembourg], près de trois quarts des bénéfices d’Amazon en Europe n’étaient pas imposés. » Pour rappel, alors que Margrethe Vestager avait condamné Amazon à restituer environ 250 millions d’euros d’impôts, l’État luxembourgeois a refusé que la firme lui verse la somme due.

Impunité environnementale
Jeff Bezos a annoncé viser la neutralité carbone en 2040 pour Amazon… avant de finalement projeter cette possibilité à horizon 2050. Et en effet, selon le rapport, ce n’est pas gagné. C’est tout le modèle économique d’Amazon qui est remis en cause pour ses impacts environnementaux.

En termes de transport, Amazon émettrait 18,87 millions de tonnes de CO2 par an – soit l’équivalent des émissions annuelles de la Bolivie. Enfin, ça, c’est si l’on regarde les chiffres officiels avec optimisme. « Il n’est pas clairement fait mention de la première phase de transport des produits depuis la Chine ou l’Asie du Sud-Est jusqu’aux États-Unis ou l’Europe », note Attac.

Par ailleurs, les promesses climatiques de Jeff Bezos ne reposent que sur la livraison depuis l’entrepôt de stockage final jusqu’aux clients et clientes – on oublie donc tout ce qui est nécessaire pour acheminer les produits depuis leur lieu de fabrication vers les entrepôts de stockage occidentaux.

Enfin se pose la question de la surproduction. En France, la fabrication et le transport des produits textiles et électroniques représentent près du quart des émissions totales de gaz à effet de serre. « Pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C à la fin du siècle, d’ici 2030, en France, il faudrait réduire par 10 les mises en marché de produits textiles et environ par 3 celles des produits électroniques. » Une stratégie à l’opposé de celle d’Amazon qui est le premier distributeur en ligne de produits textiles et le second distributeur de produits électroniques en France.

Cette surproduction n’a pas que des effets négatifs en matière d’environnement. En France, en 2018, ce sont trois millions de produits neufs qui ont été détruits par Amazon. Greenpeace estime que 30% des retours clients sont automatiquement détruits au Royaume-Uni et en Allemagne – une pratique plus rentable que de les tester puis de les réemballer.

Impunité sociale
Finalement vient la question de l’interne. Avec 645 000 personnes employées à travers le monde, l’empire d’Amazon n’a pas de frontières. Au sein de ses entrepôts on retrouve souvent une main d’œuvre non qualifiée, une recrudescence d’intérimaires (qui représentent souvent la moitié des effectifs), et des relations de travail dégradées. Il faut dire que les intérimaires n’osent pas toujours se mobiliser, ce qui crée des distances voire des conflits avec les personnes salariées.

Par ailleurs, la multinationale use et abuse du levier de la convention collective. En Allemagne, Amazon refuse d’appliquer celle du commerce au profit de celle du transport, plus favorable. En France, elle applique celle du transport et de la logistique – qui décerne moins de primes aux salarié.e.s, et facilite le travail de nuit et le dimanche.

Le rapport dévoile des conditions de travail harassantes : certains postes demandent de porter des charges lourdes, ou de marcher plus de 15 km par jour.

Non content d’imposer des conditions pénibles IRL, l’empire du e-commerce poursuit l’enfer en ligne. Depuis 2005, « Amazon Mechanical Turk » fait appel aux internautes pour des tâches plus ou moins complexes (identifier des objets sur des images, traduire des documents, renommer des fichiers, etc.) afin d’améliorer la pertinence des algorithmes. Évidemment, c’est peu payé, il n’y a pas de contrat de travail, ni de protection d’aucune sorte.

Peut-on devenir numéro un en étant réglo ?
C’est, en filigrane, la question soulevée par le rapport. « Jeff Bezos, multimilliardaire à la tête de la firme, a su construire sa suprématie au détriment du respect des normes les plus élémentaires », accuse Attac. De son côté, Amazon s’oppose à ces « informations trompeuses », rapporte France Info, notamment côté taxes. Par ailleurs, la firme se félicite d’être « un employeur majeur » en France, avec « plus de 9 300 emplois en CDI ». Pas d’infos sur le nombre de burn-out, ni sur le nombre d’emplois détruits en parallèle, par contre…