Alphabet, la société mère de Google, ne va plus se servir du système de licence de propriété intellectuelle, connu sous le nom de « Sandwich Irlandais, Double Hollandais », ce qui lui a permis de retarder le paiement des taxes américaines, comme le montrent les déclarations de revenus de 2018.
Pour situer le contexte, selon des documents déposés à la Chambre de commerce néerlandaise, Google a transféré 19,9 milliards d’euros par l’intermédiaire d’une société-écran néerlandaise aux Bermudes en 2017, dans le cadre d’un accord lui permettant de réduire sa facture fiscale étrangère. Le montant acheminé par l’intermédiaire de Google Netherlands Holdings BV était d’environ 4 milliards d’euros de plus qu’en 2016, selon les documents déposés le 21 décembre 2018.
Depuis plus de dix ans, cet arrangement permet à Alphabet (GOOGL.O), propriétaire de Google, de bénéficier d’un taux effectif d’imposition à un chiffre sur ses bénéfices hors États-Unis, soit environ un quart du taux moyen des taxes sur ses marchés étrangers.
Aux Pays-Bas, la filiale est utilisée pour transférer les revenus des redevances perçues hors des États-Unis à Google Ireland Holdings, une filiale des Bermudes, où les sociétés ne paient aucun impôt sur le revenu.
La stratégie fiscale, connue sous le nom de « Double Irlandais, Sandwich Hollandais », est légale et permet à Google d’éviter de déclencher des impôts sur le revenu américain ou des retenues à la source européennes sur les fonds, qui représentent l’essentiel des bénéfices réalisés à l’étranger.
Toutefois, sous la pression de l’Union européenne et des États-Unis, l’Irlande a décidé en 2014 d’éliminer progressivement cet accord, mettant ainsi fin aux avantages fiscaux de Google en 2020.
Google Netherlands Holdings BV a payé 3,4 millions d’euros d’impôts aux Pays-Bas en 2017, selon les documents, sur un bénéfice brut de 13,6 millions d’euros.
Double Irlandais
Le Double Irlandais, la Doublette Irlandaise ou l’arrangement de la Doublette Irlandaise est une stratégie d’évitement fiscal que certaines sociétés multinationales utilisent pour réduire leur impôt sur les sociétés.
La stratégie utilise les paiements entre entités connexes dans une structure d’entreprise pour transférer des revenus d’un pays A vers un pays B à plus faible imposition. Cette méthode s’appuie sur le fait que la loi sur l’imposition irlandaise n’inclut pas les prix de transfert depuis les États-Unis. Plus précisément, l’Irlande a une fiscalité exclusivement territoriale, et ne peut donc pas percevoir d’impôts sur le revenu réservé à des filiales de sociétés irlandaises qui sont en dehors de l’État irlandais.
La structure d’imposition en Doublette Irlandaise a été découverte à la fin des années 1980 par des sociétés comme Apple Inc. Cependant, diverses mesures visant à contrer cette méthode ont été adoptées en Irlande en 2010.
Principe
Typiquement, la société prend des dispositions pour les droits d’exploitation de la propriété intellectuelle en dehors des États-Unis pour qu’ils soient détenus par une société extraterritoriale. Ceci est réalisé en concluant un accord de partage des coûts entre la société mère américaine et la société extraterritoriale, écrite strictement en termes de règles de prix de transfert américain. La société extraterritoriale continue de recevoir tous les bénéfices de l’exploitation des droits en dehors des États-Unis, mais sans avoir à payer l’impôt américain sur les bénéfices, jusqu’à ce qu’ils soient replacés aux États-Unis.
Cette méthode est appelée le Double Irlandais, car elle nécessite deux entreprises irlandaises pour compléter sa structure. Une de ces sociétés filiales est résident fiscal dans un paradis fiscal, comme les îles Caïmans ou les Bermudes. À la suite d’une faille dans la loi sur l’imposition irlandaise qui prévoit actuellement qu’une société soit résident fiscal où sa gestion centrale se trouve, pas son incorporation, il est possible pour la première entreprise basée en Irlande de ne pas être résident fiscal en Irlande.
Cette société est l’entité étrangère qui détient les droits de valeurs non américaines qui sont ensuite transférés à une seconde société filiale irlandaise (celle-ci est résident fiscal en Irlande) en échange d’importantes redevances ou d’autres frais annexes. La seconde société irlandaise reçoit un revenu de l’utilisation d’actif dans un pays hors États-Unis, mais ses bénéfices imposables sont faibles, car les redevances ou frais payés à la première compagnie irlandaise sont des dépenses déductibles d’impôt. Les bénéfices restants (presque nuls) sont imposés au taux normal de 12,5 % en Irlande.
Le Sandwich Hollandais
L’Irlande ne prélève pas d’impôt à la source sur certaines recettes des États membres de l’Union européenne. Les revenus provenant des ventes des produits expédiés par la seconde société filiale irlandaise (la deuxième dans le Double Irlandais) sont d’abord réservés par une société filiale fictive aux Pays-Bas, en profitant des lois fiscales généreuses. Ils passent outre le système fiscal irlandais, les bénéfices restants sont transférés directement pour les îles Caïmans ou les Bermudes. L’ensemble de ce régime est appelé le sandwich hollandais. Les autorités irlandaises ne voient donc jamais les recettes complètes et ne peuvent pas les taxer, même à des faibles taux d’imposition sur les sociétés irlandaises.
Une modification des règles dès 2020
Un porte-parole de Google a confirmé mardi que l’entreprise va supprimer la structure des licences, affirmant que cela était conforme aux règles internationales et fait suite aux modifications apportées à la législation fiscale américaine en 2017.
« La date de cessation des activités de licence de la Société n’a pas encore été confirmée par la haute direction, mais la direction prévoit que cette cessation aura lieu au 31 décembre 2019 ou en 2020 », a indiqué le dossier néerlandais.
« Par conséquent, le chiffre d’affaires de la Société et la base de dépenses associée générée par les activités de licence cesseront à partir de cette date », a ajouté le dossier à la Chambre de commerce néerlandaise.
Google, comme d’autres multinationales qui utilisent des stratégies internationales de minimisation des impôts, a toujours déclaré qu’il payait toutes ses taxes.
« Nous simplifions actuellement notre structure d’entreprise et allons concéder sous licence notre propriété intellectuelle aux États-Unis, et non aux Bermudes », a déclaré un porte-parole dans un communiqué. « Y compris tous les impôts sur le revenu annuels et ponctuels au cours des dix dernières années, notre taux d’imposition effectif mondial a été supérieur à 23 %, plus de 80 % de cet impôt étant dû aux États-Unis ».
Source : Reuters