A Mazières, souriez, vous êtes filmés!

Mazères, dans l’Ariège, avec ses caméras ultramodernes et ses “voisins vigilants”, est l’une des communes les plus surveillées de France. Par Nathalie Funès.

“Ah, ces chiffres de la gendarmerie ! On n’y comprend rien !” Buste de Laetitia Casta à sa droite, diplôme municipal du “Guinness Book” (pour le plus gros gâteau à la broche du monde) à sa gauche, Jacques Pujol, adjoint au maire, reste perplexe devant la liste des atteintes aux biens et des vols à la roulotte recensés à Mazères. Aucune statistique ne reflète vraiment la flambée de délinquance qu’ont connue les 3 500 âmes de ce village. Résumons. En 2009, il y a eu deux vols de moto, deux automobiles escamotées, six villas cambriolées, la boulangerie et le “petit primeur” de la rue Gaston-de-Foix dévalisés… Dix-sept pour cent de délits en plus !

Installée depuis le XIIIe dans le nord de l’Ariège, longtemps vouée à la tranquille culture du pastel, le pigment qui donne le bleu du même nom, la commune semblait pour toujours épargnée par les aléas de la vie moderne. Avec ses façades médiévales et ses ruelles roses à angle droit. Jusqu’à ce jour de 2002, où la nouvelle bretelle de l’autoroute A66, qui dessert Toulouse en une demi-heure, est venue charrier son lot de délinquants. Louis Marette, le maire UMP, a dit stop. A l’entrée de la ville, un panneau jaune orné d’un œil attentif prévient désormais le visiteur malintentionné : “Protection voisins vigilants, en liaison immédiate avec la gendarmerie et la police municipale.” En-dessous, deuxième panneau : “Ville placée sous vidéoprotection.”

Un village à 360 degrés

Une virée rapide dans le centre-ville montre qu’il faut prendre l’avertissement au sérieux. Six caméras, qui filment en permanence à 360 degrés, ont surgi l’an dernier dans les rues commerçantes et à proximité des distributeurs de billets de banque. Une pour 600 habitants, soit l’un des plus forts taux du pays. Les images sont conservées quinze jours au premier étage de la mairie, dans une pièce exiguë, avec un ordinateur et un cahier d’écolier pour seuls équipements. Et le dispositif est complété par les Mazériens de bonne volonté qui surveillent, derrière leurs rideaux, les passants à la mine patibulaire. Le neighbourhood watch (“quartier surveillé par le voisinage”) a vu le jour de l’autre côté de la Manche, au début des années 1980. Un certain Harold Cooper, citoyen de Mollington, dans l’est de l’Angleterre, lassé des larcins qui se multipliaient, avait décidé de s’occuper de la surveillance. Importé en France, le principe concerne aujourd’hui 29 départements, et le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, vient de demander aux préfets de le “promouvoir”.

Trois “référents”, avec un autocollant “voisins vigilants”

A Mazères, le système est rodé. Trois “référents”, avec un autocollant “voisins vigilants” sur leur boîte aux lettres, quadrillent leur quartier et signalent tout élément suspect au policier municipal ou aux gendarmes de Saverdun, la ville la plus proche. Ils sont rarement dérangés. Même celui du centre-ville, un brigadier-chef à la retraite, ancien employé de la fourrière de Toulouse. Récemment, on lui a signalé “un véhicule sur le parking du camping municipal” et une vieille dame qui s’est plainte d’une voiture garée devant sa maison. Le “référent” a prié le propriétaire du véhicule de le déplacer. Il y a bien un mouvement, La Bastide citoyenne, qui est apparu pour protester contre cet “espionnage”. En vain. La Mairie de Mazères répond que la criminalité a baissé de 30% depuis le début de l’année. Sur son site elle recommande la bonne humeur : “Souriez, vous êtes filmé !”

merci de déplacer le post

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